La ville, espace fascinant de modernité

Publié le par Français MB

La ville, espace fascinant de la modernité

· Jusqu'au milieu du xx siècle, la ville n'est pas l'espace d'expression privilégié du lyrisme poétique: chez les romantiques, la nature reste encore supérieure en beauté à la ville. Mais vers 1850, avec le développement des grandes cités (Paris, Londres et Berlin) et les mutations sociologiques qu'il entraîne, la ville devient un sujet littéraire fécond. De cette fréquentation des villes énormes (lettre dédicace du Spleen de Paris, de Baudelaire) vont naître des formes poétiques neuves et audacieuses.

1 Le topos des « embarras » de la ville
·Avant le XIXe siècle, les encombrements de la cité sont un cliché hérité des poètes latins.
Au XVIe siècle, la ville n'est pas un enjeu poétique d'importance ou un objet d'identification intime pour les poètes. Pour la Pléiade, la « Ville » par excellence est Rome, patrie de l'Antiquité. Si Bu Bellay fait l'éloge hyperbolique de Paris, c'est en grande partie par nostalgie: il ne cache rien des défauts de la capitale française, sale et bruyante.
La même critique se retrouve au XVIIe siècle chez Boileau qui use de la satire, dans les mêmes registres polémique et ironique que les poètes latins (Horace, Juvénal). Le topos est donc simplement réactualisé, avec plus de réalisme. C'est à la même époque, cependant, que Paris est désigné chez les écrivains (la Bruyère, Pascal) par le terme majestueux de « Ville », meilleur en effet.

2 Le mythe de la grande ville au XIXe siècle
Les villes modernes font naître une nouvelle sensibilité poétique.
Avec La Comédie humaine de Balzac (1830-1850), Paris accède progressivement au rang de mythe littéraire. La capitale se transforme avec les travaux du Second Empire (1852-1870) et les mélanges sociaux se font plus évidents, ce dont témoignent les romans de la série de Zola, les Rougon-Macquart, avec des titres significatifs comme par exemple, Le Ventre de Paris (1873).
La séparation entre ville et campagne s'accentue. La ville devient alors le centre vivant de la modernité: son activité industrielle est un motif poétique, son vacarme inspire un lyrisme neuf, fait d'inquiétude et de fascination devant son développement tentaculaire et rapide.
Des personnages poétiques nouveaux entrent peu à peu en poésie: sous l'influence du réalisme, le petit peuple urbain, dont l'évocation ne paraissait guère poétique, acquiert un droit de cité. Baudelaire décrit avec audace les femmes de plaisir, les pauvresses, les débauchés.. Quant à Émile Verhaeren, il chante le désespoir et la solitude des prostituées au cœur de la cité.
A ces spectacles nouveaux correspondent des formes neuves: si la poésie intègre des sujets urbains, sa forme se modernise avec l'invention du poème en prose, les audaces de Rimbaud ou le rythme impair chez Verlaine.

3 La période moderne
La modernité entre en crise, mais la ville reste un sujet poétique majeur.
· Au XXe siècle, la ville reflète la crise de la modernité. L'homme est devenu un animal urbain, phénomène bien montré dans le film de Fritz Lang, Metropolis (1926) Garcia Lorca fait contre New York un réquisitoire violent alors que Raymond Queneau se livre a une méditation désabusée sur la modernité urbaine, vouée tôt ou tard au vieillissement. La folie que sécrète la ville est aussi lisible dans le film Playtime de Jacques Tati : la ville n est plus qu’ monde de voitures, dans lequel l'humain a disparu.
· Mais la séduction qu'elle exerce reste toujours vivace: comme chez Rimbaud , la ville est un espace créateur de fantasmes. Et les formes poétiques les plus libres continuent de restituer cette diversité de la grande ville: le poème en prose ou en vers libres, tel le poème-calligramme de Queneau qui pourrait évoquer avec humour un immeuble.

· Et la ville ne cesse d'inspirer les créateurs (poètes, peintres, cinéastes...) dont la production a créé les mythes modernes de Los Angeles, par exemple.

 

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S
Très bel article, très intéressant et bien écrit. Je reviendrai me poser chez vous. N"hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo). A bientôt.
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